- GILBERT ET GEORGE
- GILBERT ET GEORGEGILBERT (1943- ) & GEORGE (1942- )Depuis 1968, date à laquelle ils exposent pour la première fois ensemble, Gilbert & George, anciens élèves de la célèbre St. Martin’s School of Art de Londres, poursuivent une pratique commune, polyvalente mais homogène, désignée sous le terme général de «sculpture» et qui englobe aussi bien le dessin, la peinture, les «performances» et les travaux photographiques que les films et les publications. Désireux de rompre avec le formalisme dominant de leur époque, soucieux de se faire connaître rapidement, mais dépourvus d’argent et donc de matériaux pour leur travail, Gilbert & George décident d’utiliser leurs propres corps comme des objets. Ils créent ainsi en 1969 les premières Living Sculptures qui vont très vite les faire connaître sur la scène internationale. Vêtus toujours du même costume étriqué et ordinaire, ils se manifestent dans des endroits aussi divers que des clubs de jazz, des théâtres, ou dans des galeries et des musées, posant pendant plusieurs heures, le visage souvent recouvert de peinture dorée ou rouge (Red Sculpture , 1975 à 1977, date des dernières Living Sculptures ), parfois totalement immobiles ou au contraire exécutant très lentement des gestes d’automate, chantant quelquefois des rengaines du répertoire traditionnel (Underneath the Arches , 1969-1973) ou, plus rarement, lisant ou racontant une histoire. Les Living Sculptures n’appellent pas la participation du public qui doit se contenter de regarder, mais permettent simplement à Gilbert & George d’«être des artistes» et d’«être avec l’art». Très conscients de leur rôle d’artistes et de l’importance de l’art comme facteur de culture et d’idéologie, rejetant la notion de l’art pour l’art, mais prenant comme devise «L’art pour tous», ils vont manier les paradoxes, s’identifiant totalement à leur art, confondant leurs identités individuelles et leurs identités artistiques, se voulant le reflet du monde qui les entoure et jouant sur deux caractéristiques de la société anglaise: l’humour et le conventionnel. Ils réalisent parallèlement aux Living Sculptures de grands dessins au fusain et des peintures, naïfs et académiques, où ils se sont représentés dans une nature idyllique, clin d’œil à la tradition du paysage anglais (With Us in Nature , 1971). À partir de 1971, la photographie va prendre de plus en plus d’importance dans leur travail. De petites compositions faites de séries de photos en noir et blanc, disséminées sur les murs, ils passent à des compositions monumentales où les photographies sont disposées les unes à côté des autres, l’encadrement noir de chacune d’elles fonctionnant comme les plombs d’un vitrail; et d’un univers intimiste et euphorique (celui des bars et des intérieurs feutrés) à une atmosphère de plus en plus inquiétante et oppressante, à laquelle l’introduction de la couleur monochrome, à partir de 1974 (essentiellement le jaune, le rouge et le vert), va ajouter une dimension symbolique. Vers 1976, leur œuvre prend sa pleine dimension. Dans la très belle série de 1977, Prick Ass , Communism , Bummed ..., Gilbert & George, simples figures en retrait, assistent impuissants à la montée de la violence dans une Grande-Bretagne en proie aux conflits raciaux, à la misère morale et au chômage. Dans les œuvres suivantes, Gilbert & George vont parfois jusqu’à disparaître totalement de l’image simplement formée de figures ou de motifs allégoriques, proches des grotesques médiévaux. Les couleurs vives se multiplient, le dérisoire et l’absurde supplantent le tragique et la gravité, de jeunes garçons détrônent les chômeurs et les immigrés: les allusions à une sexualité homosexuelle se font de plus en plus obsessionnelles. Renouant avec la distanciation ironique de leurs débuts, Gilbert & George continuent cependant à être fidèles au but qu’ils se sont fixé, même si leur art est parfois menacé par une certaine facilité: «Frapper le spectateur avant qu’il ait le temps de réfléchir» (Naked , 1994).
Encyclopédie Universelle. 2012.
